Belgique: une carte de dignité en fin de vie ?

Publié le par cb

 

Pas d'euthanasie, svp !
Avant d'être incapable de le faire, il existe un moyen d'exprimer sa volonté de privilégier les soins palliatifs sans acharnement thérapeutique. Une première en Belgique.

Pour permettre aux personnes d'exprimer leur volonté en fin de vie en privilégiant les soins palliatifs sans acharnement thérapeutique, il existe à présent la carte de dignité en fin de vie. Une première en Belgique.

 

Dans notre entourage - famille, amis - nous sommes, un jour ou l'autre, confrontés à la maladie grave et à la mort. Même si nous ne voulons pas trop y penser, nous savons bien que ce sujet nous concerne tous personnellement. La perspective de la fin de la vie nous fait souvent peur : on parle d'acharnement thérapeutique, de souffrances inutiles, d'euthanasie... Certains ont pu être témoins, pour des proches, d'expériences difficiles qu'ils ne veulent surtout pas revivre. Or, avec les progrès de la médecine, sont apparus à la fois de nouveaux espoirs et de nouvelles menaces. Et aussi une certaine confusion par la désinformation : l'euthanasie n'est-elle pas présentée de plus en plus comme LA seule solution pour ne pas souffrir ? Sommes-nous vraiment au courant des performances quotidiennement actualisées des soins palliatifs ? Ne nous laissons-nous pas impressionner et manoeuvrer par la peur de souffrir ?

 

Une réflexion personnelle

 

La "Carte de dignité en fin de Vie" (1) est une première en Belgique. Elle permet à toute personne qui le désire d'exprimer sa volonté en ce qui concerne sa fin de vie en privilégiant les soins palliatifs et en refusant l'euthanasie et l'acharnement thérapeutique. Cette carte mentionne également le nom d'une personne de confiance à laquelle le médecin peut se référer si le patient n'est plus capable de s'exprimer. Elle se glisse dans le portefeuille au même titre que la carte de groupe sanguin.

 

Pourquoi une telle carte ? Le premier objectif de la carte de dignité en fin de vie est d'inviter chacun à la réflexion personnelle, en dehors de tout contexte d'hyper-émotivité qui engendre inévitablement exagérations et dérapages. Il convient de réaffirmer que la vocation première des soins palliatifs est précisément d'accompagner la personne et de s'employer le plus possible à soulager douleur et souffrance. Exprimer sa volonté en matière de soins palliatifs, c'est, ainsi, affirmer son souhait de vivre jusqu'au bout dignement. Sans doute le mot dignité suscite-t-il aujourd'hui certaines controverses en étant utilisé par les partisans de l'euthanasie. Mais finalement, être accompagné vers sa mort par des soins palliatifs, n'est-ce pas cela mourir dans la dignité ?

 

Le deuxième objectif de la carte de dignité en fin de vie, aussi appelée chez nos voisins français "Carte Vigilance", est de confirmer les soignants dans leur vocation première : celle de soigner et d'accompagner.

 

Ce sont ces mêmes soignants en effet, qui sont les premiers à demander ce genre de cartes pour les mettre à disposition de leurs patients. Le dialogue s'engage, l'éducation à la culture palliative se fait dans la confiance. A l'ère de la communication, il est important de disposer d'un outil simple et pratique qui démontre que le patient a réfléchi sur sa situation en fin de vie, a désigné une personne de confiance sur cette carte et exprimé son refus de l'acharnement thérapeutique et de l'euthanasie. Sont ainsi évitées certaines discussions entre les personnes proches du malade.

 

Une euthanasie sociétale ?

 

L'initiative de cette carte paraît bienvenue dans le contexte social actuel. Dans une récente émission de radio sur les ondes de la RTBF, le Ministre d'Etat Herman De Croo, tenait des propos relativement inquiétants sur les dérives auxquelles pourrait aboutir une certaine politique sociale. "Je suis très préoccupé. Il faut faire attention à ne pas arriver à une euthanasie sociale. En Grande-Bretagne, on ne rembourse pas certains traitements au-delà d'un certain âge. Je suis très préoccupé par une banalisation sociétale de la fin de vie [...]. Je me pose des questions angoissantes. Est-ce qu'une société ne va pas commencer, indirectement comme cela se passe déjà dans certains pays développés, comme la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas à ce qu'il y ait une comptabilité de l'utilité sociétale de quelqu'un qui est âgé ? Il paraît que notre consommation de sécurité sociale (le coût de notre santé) peut être divisé en deux grandes parties. La première partie couvre notre vie entière et l'autre couvre les douze derniers mois de notre existence. Je voudrais, un jour, conduire le débat sur ce sujet".

 

Il importe dès lors de prendre des mesures au niveau de la société pour assurer effectivement à tous un accompagnement digne pour la fin de la vie. La loi sur les soins palliatifs - dont on parle trop peu - déclare : "Tout patient doit pouvoir bénéficier des soins palliatifs dans le cadre de l'accompagnement de sa fin de vie".

 

Se donne-t-on les moyens financiers suffisants pour que ces soins soient de première qualité, sans délais d'attente, sans que la personne ne soit priée de mourir endéans un laps de temps prédéfini, sans être suspendue au budget alloué par les autorités ? Les priorités politiques s'expriment d'abord par les moyens qui leur sont alloués. En 2007, le budget annuel consacré aux soins palliatifs s'élevait globalement à 160 millions d'euros. Dix-sept mille Belges ont pu bénéficier de ces soins dans la mesure des moyens disponibles. A en croire les fédérations de soins palliatifs, ces montants s'avèrent très insuffisants (2) .

 

D'où la véritable question : y a-t-il une volonté politique pour promouvoir la culture palliative, ou serait-ce plutôt la culture euthanasique qui en elle-même permet des économies considérables au niveau de la Sécurité Sociale ? Que pèse l'administration d'un cocktail lytique à effet immédiat par rapport à un accompagnement de plusieurs mois, par un personnel qualifié et pluridisciplinaire dans un cadre paisible et humain ? Car l'offre crée la demande aussi en ce domaine. Des soins palliatifs performants et une information claire à leur égard, amènent le citoyen à envisager sereinement l'accompagnement par des professionnels qualifiés et par la famille auxquels on donne un soutien et des moyens suffisants. On permet ainsi à la personne en fin de vie et à ses proches de vivre des moments essentiels, naturels et précieux.

Carine Brochier, Institut Européen de Bioéthique, Bruxelles 

www.lalibre.be Mis en ligne le 29/04/2008

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