Et si les hommes prenaient la pilule

Publié le par cb

« De nouvelles enquêtes scientifiques montrent que la contraception hormonale masculine fonctionne très bien. Aussi bien que celle pour les femmes. Restent que les labos tardent à s'y intéresser et que les principaux intéressés ne sont pas tous partants. «A partir de maintenant, chéri, c'est toi qui prends la pilule ! » Plus que quelques années, Mesdames, avant de pouvoir déléguer à votre Jules la maîtrise de la fécondité familiale. Techniquement, la contraception hormonale masculine fonctionne déjà : plusieurs études le prouvent mais la commercialisation n'est pas encore prévue pour tout de suite. Une contraception efficace à plus de 97 %. « The Lancet », revue scientifique de référence, a publié les résultats d'une vaste étude de chercheurs australo-américains qui ont repris les dossiers de 1 500 hommes ayant participé à une trentaine d'essais sur la contraception hormonale entre 1990 et 2005. Résultat : le taux d'efficacité chez les couples qui n'utilisaient que ce moyen contraceptif atteint des sommets : entre 97 % et 100 %. Soit la même fiabilité que la pilule féminine ou une utilisation sans faille du préservatif. « Non seulement cette contraception masculine marche, mais en plus elle est 100 % réversible », applaudit le gynécologue-andrologue Sylvain Mimoun. Une équipe américaine vient, elle, de montrer que cette contraception restait efficace en appliquant la testostérone en gel quotidien, associée à des injections trimestrielles d'un progestatif, le DMPA. Les Chinois avancent même des taux de réussite de 99 %. Mais il faut se faire piquer ! Alors pourquoi les labos boudent-ils ainsi ? Le docteur Mimoum a sa petite idée : « Pour l'instant, la pilule pour homme n'existe pas, justement, sous forme de pilule, mais d'injection intramusculaire à refaire tous les mois, ou tous les trois mois. Or on sait bien que les hommes n'aiment pas les piqûres ! » Guillaume Paccoud, chef de produit chez Bayer Schering - un des laboratoires qui vient d'abandonner avec son homologue Organon des essais sur cette contraception - confirme : « Pour l'instant, les produits sont efficaces en injection ou en implant, ce qui n'est pas très incitatif. Mais lorsqu'on arrivera à mettre au point un comprimé quotidien, associant testostérone et progestérone, le projet prendra une autre ampleur. » « Le problème est loin d'être insurmontable », positive Sylvain Mimoun. Obstacles biologiques. Juste une question de technique et de dosage, donc ? « Pas si simple, répond le gynécologue-endocrinologue Christian Jamin. Le problème, c'est qu'on ne peut pas avaler la testostérone car elle est détruite par le foie. Et on n'a pas encore réussi à en créer, en comprimé, qui soit résistante au tube digestif et au foie. Ceux qui ont réussi à en fabriquer à des doses suffisantes pour être efficaces donnaient des cancers du foie. »  

Voilà pourquoi on en est toujours aux injections, voire aux implants. Autre obstacle biologique : « La fertilité féminine est plus facile à bloquer que la fertilité masculine, ajoute le docteur Jamin, chez la femme, on bloque juste un pic menstruel. Chez l'homme, il faut stopper la formation en continu de dizaines de millions de spermatozoïdes. » Acné et baisse de libido. Autre hic : les effets secondaires. La progestérone peut freiner la libido de Monsieur, ce qui rend la pilule dure à avaler. « Le principe même est de mettre les testicules au repos en administrant de la progestérone qui arrête la production de spermatozoïdes, explique le docteur Mimoun. Du coup, parfois, ça ne fonctionne plus très bien sexuellement. » C'est justement pour compenser l'action anti-mâle de la progestérone qu'on y associe la testostérone qui peut, elle, favoriser l'acné et la pilosité. « Mais c'est une question de dosage, plaide l'andrologue. Aux débuts de la pilule pour les femmes, il y avait aussi des effets secondaires. Il a fallu un peu de temps pour mettre au point les pilules minidosées actuelles. » Si Monsieur oublie sa pilule, c'est Madame qui tombe enceinte... Dernière barrière, et non des moindres : les femmes seront-elles ravies de laisser leur homme seul responsable de la contraception ? « Si la femme oublie sa pilule et qu'elle tombe enceinte, elle peut s'en vouloir, mais ça la concerne elle. Si c'est l'homme qui oublie, c'est elle qui tombera enceinte. Je ne vous dis pas les histoires de couples ! », imagine le docteur Mimoun. 
Encore un peu de patience. Quant à la date réelle d'arrivée sur les tables de nuit des petites tablettes de comprimés ? « Pour rester réaliste, prédit Sylvain Mimoun, on peut se dire que d'ici dix ans, les hommes prendront la pilule. » Plus réservé, Christian Jamin doute qu'on arrive un jour à une pilule pour hommes aussi simple que celle des femmes. « Mais il y a d'autres pistes non hormonales prometteuses, assure-t-il, comme des recherches sur des médicaments capables d'immobiliser les spermatozoïdes ou de les rendre incapables de percer la membrane de l'ovule. » » 23 juillet 2007 (Aujourd’hui en France - Hélène Bry)
- Une vraie demande…  
« «J'ai régulièrement, dans mon cabinet, des hommes motivés qui viennent me voir pour que je leur prescrive la pilule », témoigne l'andrologue, Sylvain Mimoun. Et puis, ce sera un formidable mode de contraception pour tous les couples dont la femme ne peut pas la prendre, du fait d'un diabète, d'une hypertension... » Le spécialiste explique aussi que cette demande émanent d'hommes, souvent « militants, qui prônent une vraie égalité homme-femme jusque dans la fécondité ». Mais, cette innovation est surtout, aussi, très attendue par l'OMS (Organisation mondiale de la santé), qui la considère comme un bon moyen de contrôle des naissances dans les pays pauvres. Et, à l'évidence, une alternative à la vasectomie (NDLR : stérilisation des hommes) . « On pourrait mettre au point un unique implant libérant les deux hormones nécessaires à la contraception masculine », imagine l'endocrinologue, Christian Jamin, qui y voit, lui aussi, une opportunité pour le tiers-monde. » 23 juillet 2007 (Aujourd’hui en France) 
- Avis d’hommes 
« Non, je ne suis pas prêt à supporter une telle contrainte. J'aurais peur d'oublier mon injection et surtout de perdre ma fertilité. J'ai besoin de savoir si la contraception masculine n'a pas de conséquences à long terme avant de l'essayer. Avec ma copine, nous utilisons le préservatif. C'est efficace et ça protège aussi contre les maladies sexuellement transmissibles. » Samuel Strouk, 26 ans, musicien, Montpellier (34). 

« Oui, il faut être capable de partager les responsabilités. Aujourd'hui, prendre un contraceptif entraîne une multitude de contraintes que seule la femme porte sur ses épaules. Alors pourquoi pas l'homme ? Si le produit était mis sur le marché, il faudrait faire ce choix à deux, en discuter et prendre une décision en fonction du contexte. Mais je serais un des premiers à le tester. » Daniel Schlegel, 47 ans, routier, Poitiers (86). 
« Oui, et j'y ai d'ailleurs déjà pensé. Je me suis documenté sur la question car ma femme ne supportait pas la pilule. Malheureusement, il y a vingt ans, ce n'était pas encore au point donc il a fallu faire autrement. Contrôler sa fertilité, c'est un sacré avantage pour un homme qui ne veut pas devenir père de famille. Même si pour moi, de toute façon, c'est déjà trop tard ! » M. Pruvost-Beauvrain, 34 ans, stewart, Paris XIe. 
Oui, la contraception masculine m'aurait évité des soucis il y a quelques années. Ma copine s'est retrouvée enceinte, et nous avons eu beaucoup de mal à décider s'il fallait qu'elle avorte ou qu'elle garde l'enfant. J'ai très mal vécu ce moment-là. En revanche, j'attendrais un peu pour voir s'il y a des effets secondaires. Car ma compagne actuelle aurait trop peur que je perde ma fertilité ! » Olivier B., 33 ans, informaticien, Paris. 
« Non, j'évite de prendre des médicaments, alors ce n'est pas pour me faire des piqûres contraceptives ! Pourtant, ce serait normal de partager les contraintes. J'adorerais avec ma compagne : une année l'homme, l'autre, la femme. Mais je n'ai aucune confiance dans les produits chimiques. Je suis pour des méthodes plus naturelles, comme le préservatif. »  
3 juillet 2007 (Aujourd’hui en France) 

Avis de l’Alliance pour le droit de la vie (ADV) : Voilà donc le préservatif érigé en méthode naturelle de régulation des naissances ! Depuis que des hommes se retrouvent subordonnés aux femmes en matière de gestion de leur fécondité, se sentant vite « piégés », certains imaginent que la contraception masculine leur donnerait enfin la maîtrise, du moins pour garantir qu’on ne les forcera pas à devenir pères. C’est donc une étape de plus dans la dissociation entre sexualité et procréation au risque d’aggraver la fracture entre les sexes.

 

 

 

Publié dans Contraception

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article