Avortement : sur Internet, elles s'échangent les bons tuyaux. Chaque année, entre 3 000 et 5 000 femmes se rendent à l'étranger pour pouvoir avorter, après avoir dépassé le délai légal d'i

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L'adresse du Planning familial le plus proche, les contacts avec les cliniques néerlandaises ou anglaises, une évaluation du prix qui leur en coûtera (entre 500 et 1 000 euros selon les cas).

Le nombre d'interruptions volontaires de grossesse (IVG) s'établissait en France à 210 664 en 2004, dont 11 500 concernaient des mineures. Ce chiffre est stable depuis quinze ans. 17,2 % des femmes sexuellement actives ont recours à l'IVG au cours de leur vie. La part des IVG médicamenteuses, de 42 % en 2004, est en constante augmentation.

La loi du 4 juillet 2001 a porté de dix à douze semaines de grossesse le délai maximal de recours à une IVG. Elle a supprimé l'obligation d'avoir une autorisation parentale pour les mineures et a autorisé la pratique des IVG médicamenteuses en médecine de ville.

En Europe, l'IVG est autorisée jusqu'à dix-huit semaines en Suède, vingt-quatre semaines en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas et douze semaines dans les autres pays. Aucun délai absolu n'encadre l'IVG en Espagne. En mars, le Portugal a autorisé l'IVG jusqu'à dix semaines de grossesse. L'avortement reste illégal en Irlande, en Pologne, à Malte et à Chypre.

 

La loi du 4 juillet 2001 avait pourtant relevé le seuil de l'IVG de dix à douze semaines de grossesse, essentiellement dans le but d'éviter ces départs. Mais l'allongement du délai légal est peu voire pas respecté dans les hôpitaux, et les difficultés d'accès à l'IVG chirurgicale persistent. "La gestion de la pénurie et le bricolage militant deviennent la règle, analyse Fatima Belal, coordinatrice régionale Ile-de-France du Planning familial. Les dix-douze semaines, seuls les médecins militants acceptent de les faire. Au-delà, c'est l'étranger, et cela n'a plus rien de subversif."

 

Plus de trente ans après la loi Veil de 1975, l'avortement reste un droit précaire. "La France a autorisé l'IVG mais n'a toujours pas organisé de politique nationale de santé publique qui conforterait et favoriserait son application", explique Marie-Laure Brival, gynécologue-obstétricienne, présidente de l'Association nationale des centres d'interruption de grossesse et de contraception (Ancic). L'application de la loi est erratique, soumise à la bonne volonté des médecins.

 

Pour une région bien organisée comme le Nord-Pas-de-Calais, où 97 % des IVG sont prises en charge par le secteur public hospitalier, de grandes difficultés persistent : en Ile-de-France, les IVG de plus de dix semaines se concentrent sur une poignée de sites, les autres praticiens refusant de les pratiquer.

 

"Si il n'y a pas de rappel à l'ordre des établissements par les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (Drass), la désorganisation peut être complète", souligne Philippe Lefebvre, gynécologue médical, président de l'Association régionale d'orthogénie du Nord-Pas-de-Calais.

 

MÉDECINS RÉTICENTS

 

En région Provence-Alpes-Côte d'Azur, où le taux de recours à l'IVG (20,9 pour 1 000 femmes) est le plus élevé de la métropole, la situation est très détériorée. Dans les Alpes-Maritimes, seuls deux hôpitaux, Nice et Grasse, acceptent les IVG tardives. Les autres patientes sont directement adressées en Espagne. Les gros établissements privés de la région ne pratiquent quant à eux presque pas d'IVG.

 

Les cliniques Saint-George et Saint-Antoine, gérées par le même groupe, ne réalisent ainsi des avortements que sur leur second site pour un total d'environ 150 IVG pour 2 200 naissances. "On ne refuse pas d'en faire, explique Bernard Brincat, le PDG du groupe. On répond à la demande de nos gynécologues-obstétriciens, mais il n'y a pas beaucoup de demandes…"

 

A l'hôpital public de Grasse, le docteur Mauricette Sebaoun a quasiment réalisé à elle seule les 450 IVG de l'établissement en 2006, la majorité de ses collègues ayant opposé leur clause de conscience. "Dans la région, les médecins sont encore plus réticents qu'ailleurs à pratiquer des IVG, tout le monde fait le strict minimum, explique-t-elle. Pourtant, les demandes augmentent, notamment à cause de la précarité, qui pousse les femmes à ne pas garder leurs enfants."

 

Partout en France, en dehors des centres d'interruption de grossesse, dont c'est la finalité, l'IVG continue à être considérée comme une activité peu gratifiante pour les médecins. La clause de conscience est souvent opposée, spécialement pour ne pas pratiquer les IVG entre dix et douze semaines de grossesse.

 

Les médecins qui acceptent se retrouvent donc en première ligne, confrontés au regard réprobateur de leurs collègues. "Ce n'est pas facile d'être considérée comme une perverse, tout simplement parce qu'on fait son travail et qu'on vérifie soigneusement le produit de l'aspiration", témoigne ainsi une médecin exerçant en région parisienne.

 

L'autre raison du désengagement des établissements est d'ordre financier. A 250 euros le forfait pour une IVG chirurgicale contre 652 euros pour une fausse couche, l'IVG est un acte sous-évalué, réalisé à perte par les hôpitaux. "Or, avec la tarification à l'activité à 100 % en 2008, qui impose une rentabilité maximum aux hôpitaux, l'IVG risque d'être encore plus en difficulté", craint Marie-Laure Brival.

 

Pour parer cette évolution la ministre de la santé a accepté le principe d'une revalorisation de l'IVG chirurgicale, au 1er mars 2008. Roselyne Bachelot a également fait adopter, dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale pour 2008, l'extension de la pratique de l'IVG médicamenteuse aux centres de planification et d'éducation familiale.

 

Cette avancée ne concerne cependant qu'une partie des femmes, puisque l'IVG médicamenteuse n'est pratiquée que jusqu'à sept semaines de grossesse. Le problème reste entier pour les milliers de femmes qui découvrent tardivement leur grossesse non désirée.

Publié dans Avortement - Europe

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